Smic : une hausse de 2,22 % au 1er mai 2023 « insuffisante » pour les organisations syndicales
Par Agnès Redon | Le | Réclamations
Le Smic augmentera de 2,22 % au 01er mai 2023, au lieu de 2,19 % comme l’avait déclaré le ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, après l’annonce de la Première ministre le 14 avril 2023.
Pour les organisations syndicales, cette nouvelle hausse est « insuffisante ».
D’après l’arrêté du 26 avril 2023 relatif au relèvement du salaire minimum de croissance, publié au Journal Officiel le 27 avril et compte tenu du niveau de l’indice mensuel des prix à la consommation qui atteint 116,07 pour le mois de mars 2023, le montant du Smic brut horaire passe ainsi à 11,52 €, soit 1 747,20 € par mois, contre 1 709,28 € précédemment, soit une hausse de 37,92 € brut par mois.
À Mayotte, le montant du Smic brut horaire passe à 8,70€ (qui correspond aussi à une augmentation de 2,22 %), soit 1 319,5 € par mois.
Par ailleurs, le minimum garanti s’établit à 4,10 € au 01er mai 2023 en métropole, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le fonctionnement de la revalorisation du Smic
Le niveau du Smic peut être revalorisé à trois titres :
• Chaque année, au 1er janvier, le salaire minimum est revalorisé en fonction de l’évolution de l’économie et de la conjoncture ;
• Chaque hausse d’au moins 2 % de l’indice des prix est automatiquement suivie d’un relèvement du SMIC dans les mêmes proportions ;
• La revalorisation “coup de pouce”. À tout moment, le gouvernement peut procéder à l’augmentation du SMIC.
Depuis le 4e trimestre 2021, la hausse de l’inflation et les règles de revalorisation du Smic conduisent à augmenter six fois ce dernier, il passe à :
• 10,48 € brut par heure en octobre 2021 ;
• 10,57 € au 1er janvier 2022 ;
• 10,85 € en mai 2022 ;
• 11,07 € en août 2022 ;
• 11,27 € en janvier 2023 ;
• 11,52 € en mai 2023.
D’après la Dares, le Smic croît ainsi de 6,6 % en 2022, et de plus de 10 % depuis le 1er janvier 2021.
Le pouvoir d’achat, « la première préoccupation des Français » (gouvernement)
Cette inflation qui a atteint 5,7 %, soit légèrement plus que les 5,6 % initialement prévus par l’Insee, va conduire mécaniquement « à une revalorisation du Smic au 1er mai d’un peu plus de 2 % », portant à 6 % son augmentation sur un an, a précisé Élisabeth Borne, la Première ministre, lors d’un déplacement à Hanches, en Eure-et-Loir le 14 avril 2023.
« J’invite toutes les branches professionnelles qui le peuvent à se mobiliser aussi pour répondre à cette première préoccupation des Français qui est le pouvoir d’achat, donc à renégocier au plus vite leurs grilles salariales », a déclaré la Première ministre.
Les entreprises « peuvent se saisir aussi des primes de pouvoir d’achat défiscalisées pour répondre aux préoccupations de pouvoir d’achat. Il est important que chacun agisse, le gouvernement l’a fait sur l’énergie, les distributeurs le font en rognant sur leurs marges et les employeurs doivent aussi répondre à cette préoccupation de pouvoir d’achat des Français », a-t-elle ajouté.
Réaction des organisations syndicales
CFTC
Selon Pierre Jardon, conseiller confédéral en charge du Dialogue social CFTC :
- « L’inflation galopante de ces dernières années entraîne des revalorisations régulières du Smic. L’augmentation du 1er mai 2023 était donc prévisible.
- Alors que certains “experts” préconisent de remettre en cause le mécanisme de revalorisation du Smic, la CFTC considère à l’inverse qu’il fait partie intégrante du modèle social et qu’il contribue à permettre aux Français de mieux faire face aux crises.
- Pour autant, alors que le Smic reste insuffisant pour vivre dignement de son travail et ne compense pas complètement les effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages, la CFTC n’a de cesse que de demander au gouvernement d’accorder un coup de pouce supplémentaire, ce qu’il n’a pas fait depuis 2012, soit plus de 10 ans.
- Les salariés ne veulent pas vivre des aides, ils veulent vivre de leur travail. Il s’agit aussi de reconnaître la “valeur travail”. »
Parallèlement, la CFTC demande aux branches professionnelles « de ne pas se contenter de “courrir” après le Smic pour mettre en conformité leurs grilles de salaires minimums ».
- Il faut « avoir une politique plus dynamique qui permet de garantir une véritable progression salariale à tous les niveaux de la grille ».
- Les entreprises « ne devraient pas pouvoir bénéficier des réductions de cotisations patronales si un ou plusieurs échelons de la grille de salaires sont inférieurs au Smic », estime Pierre Jardon.
FO
Le communiqué de FO, publié le 21 avril 2023, rappelle l’application du mécanisme légal de l’article L. 3231-5 du Code du travail à propos de l’augmentation du salaire minimum.
« Cette revalorisation ne constitue en rien un coup de pouce au Smic décidé par le gouvernement. Il relève de la stricte application de la loi. »
Force ouvrière revendique ainsi :
- « Un véritable coup de pouce au Smic, moyen rapide de redonner du pouvoir d’achat aux bas salaires ;
- La suppression des allégements de cotisations patronales, dont bénéficient les employeurs lorsque les salaires ne dépassent pas 1,6 Smic, véritables trappes à bas salaires dans lesquels des salariés se trouvent maintenus pendant des années voire toute leur carrière professionnelle. »
CFDT
Luc Mathieu, secrétaire national CFDT en charge des politiques économiques, de l’épargne salariale, des politiques de rémunération, pouvoir d’achat, consommation, du numérique et de la politique vers les cadres, analyse la hausse du Smic de la manière suivante :
- « Cette hausse du Smic va mécaniquement placer 151 branches sur 171 en non-conformité, sous le niveau minimum fixé par les conventions collectives, c’est-à-dire sous le niveau du Smic. Les négociations de branche sur le sujet doivent donc rouvrir.
- Comme ces négociations de branche concerne, pour la plupart du temps, les plus bas niveaux de classification et de rémunération, cela engendre un écrasement des salaires. Ainsi, sur certaines branches, entre le niveau le plus bas de la convention collective et les salaires minimums les plus hauts, il y a seulement 60 euros de différence. Pour les systèmes de classification, c’est problématique, notamment sur les parcours professionnels : si tout se vaut, cela n’a plus vraiment de sens.
- Par ailleurs, nous avons des difficultés à remettre les employeurs à la table des négociations, alors qu’ils sont obligés de le faire 45 jours après la mise en non-conformité. Avec la hausse du Smic au 1er mai 2023, il faudra que les négociations aient lieu avant le 15 juin, ce qui ne sera évidemment pas le cas.
- Je rappelle, que dans l’accord sur le partage de la valeur signé en février 2023, les employeurs se sont engagés à ouvrir des négociations sur cette question avant la fin de l’année pour toutes les branches en non-conformité. On espère que ce sera fait le plus tôt possible », précise Luc Mathieu.
« Les entreprises bénéficient d’allègements de cotisations qui sont basées sur le niveau du Smic. Ainsi, à chaque fois qu’il augmente, la masse des salaires prise pour calculer les exonérations augmente de la même manière, ce qui est également très problématique. Il est urgent de remettre à plat tous les systèmes de classification. »
CFE-CGC
« Le contexte actuel prouve à quel point le mécanisme d’indexation obligatoire du Smic est un outil essentiel pour préserver un minimum de pouvoir d’achat en situation d’inflation. Le Smic est un repère fondamental dans les négociations collectives sur les salaires, son indexation obligatoire reste une garantie précieuse dans le cadre d’un rapport de force déséquilibré en défaveur des salariés », souligne Nicolas Blanc, secrétaire national CFE-CGC à la transition économique.
« En revanche, nous restons particulièrement vigilants aux conséquences de sa revalorisation sur le phénomène de tassement des salaires, de plus en plus marqué notamment au niveau des branches. »
La CFE-CGC poursuit : « Nos populations sont fortement impactées et nous proposons pour y remédier les outils suivants :
- Pacte de progression salariale ;
- Revalorisation et clause de sauvegarde des minima de grilles ;
- Revalorisation salariale obligatoire en cas de promotion. »
« On est dans le gagnant-gagnant : pouvoir d’achat pour les salariés et attractivité pour les entreprises », conclut le syndicat.
Concepts clés et définitions : #Smic ou Salaire minimum interprofessionnel de croissance