Dialogue social

40 ans de Groupe Alpha : l’industrie, l’écologie et les compétences au coeur des débats (table ronde)

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Lors de l’événement marquant les 40 ans du Groupe Alpha (Paris, 19 septembre 2023), une table ronde portait sur « La France, place forte de l’industrie : comment retrouver notre puissance industrielle perdue face aux défis écologiques ? » avec un panel d’experts autour de son président Pierre Ferracci.

40 ans du Groupe Alpha : la France, place forte de l’industrie - © D.R.
40 ans du Groupe Alpha : la France, place forte de l’industrie - © D.R.

Les enjeux de l’industrie

« Industrie et environnement : une opportunité extraordinaire » (Pierre Ferraci)

Pierre Ferracci, Président du Groupe Alpha - © D.R.
Pierre Ferracci, Président du Groupe Alpha - © D.R.

Ces 40 dernières années ont été marquées par la délocalisation et la recomposition de notre modèle industriel. A l’heure de défis écologiques de plus en plus soutenus, la recomposition industrielle de nos territoires et de nos bassins d’emploi est-elle une chimère ou reste-t-elle une réalité accessible ?

  • « Ce n’est pas en deux ans qu’on va rattraper le temps perdu depuis 40 ans. La transformation environnementale est une opportunité extraordinaire pour remettre de l’industrie au cœur de la France. Or nous n’avons pas développé les énergies renouvelables et nous avons affaibli l’industrie du nucléaire ces dernières années », indique Pierre Ferracci, Président du Groupe Alpha.

« Avancer dans l’industrie avec les salariés et les syndicats » (Roland Lescure)

  • Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie - © D.R.
    Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie - © D.R.

    « Nous avons commencé à réindustrialiser. En effet, nous avons 300 usines de plus par rapport à 2018. La révolution écologique, de la décarbonation, est une occasion en or. Nous devons faire de cette révolution écologique une révolution industrielle. Il faut à la fois décarboner l’industrie traditionnelle pour la garder chez nous et développer l’industrie de la décarbonation.

  • C’est avec les salariés et les organisations syndicales qu’on peut avancer dans l’industrie. Dans la loi Pacte le nombre d’administrateurs salariés a été doublé au conseil d’administration. Nous avons doublé leur formation pour que les administrateurs salariés soient bien formés », déclare Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’Industrie.

« Produire localement pour un coût environnemental moindre » (Carole Delga)

  • Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, Présidente de Régions de France - © D.R.
    Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée, Présidente de Régions de France - © D.R.

    « Si la tendance à la réindustrialisation est positive, elle doit être renforcée.

  • Nous avons un enjeu de souveraineté industrielle. Pour avoir un coût environnemental moindre, il faut produire localement.
  • Les questions de l’énergie, du pouvoir d’achat et de la compétitivité de nos entreprises sont centrales. Ainsi, des évolutions sur le court terme doivent se faire », déclare Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée et Présidente de Régions de France.

« Entreprises et entrepreneurs : un bien commun » (François Asselin)

  • François Asselin, Président de la CPME - © D.R.
    François Asselin, Président de la CPME - © D.R.

    « La volonté de réindustrialisation est là et la stratégie pour y arriver est en place. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain.

  • Quand on est entrepreneur, la question se pose sur le coût du travail, la compétitivité, le poids de la fiscalité, la qualification et la montée en compétences des salariés. On ne peut pas dire qu’on aime les entreprises sans aider les entrepreneurs car c’est un bien commun », déclare François Asselin, Président de la CPME, qui appelle à une « stratégie publique favorable au développement des entreprises ».

La réindustrialisation au service de la transformation écologique 

« Besoin d’éclairages sur les enjeux d’investissement et de justice sociale » (Marylise Léon)

  • « L’impact de cette transition sera inégale selon les citoyens. Il est important d’être à la hauteur sur le sujet de ces risques d’inégalités sociales accrues. C’est un sujet sur lequel nous manquons de visibilité en termes d’action gouvernementale.
  • J’espère que, dans le cadre du projet de loi de finances 2024, nous aurons des éclairages sur ces enjeux d’investissement et de justice sociale. La fiscalité est l’un des leviers sur lesquels nous pouvons agir.
  • Pour mettre la réindustrialisation au service de la transformation écologique, il faut partager dans le débat public ce dont on a besoin et ce que nous pouvons changer. Ensuite, la transformation ne se fera pas sans les travailleurs, qui sont même une des clés de la réussite », déclare Marylise Léon, secrétaire général de la CFDT.

« Le problème de l’industrie : le coût du capital » (Sophie Binet)

  • Sophie Binet, Secrétaire Générale de la CGT - © D.R.
    Sophie Binet, Secrétaire Générale de la CGT - © D.R.

    « Concernant l’industrialisation, la position de la France n’est pas des meilleures ;

  • Sur le plan économique la situation est inquiétante, avec de nombreuses faillites et plans de restructuration et l’augmentation du prix de l’énergie. Il faut notamment remettre sur la table le sujet de l’encadrement des prix de l’énergie.
  • Sur le plan environnemental, pour le moment c’est le grand néant.
  • Il n’est pas acceptable que notre balance commerciale repose exclusivement sur l’armement, le luxe et l’agroalimentaire. L’industrie doit répondre aux besoins de la population, à savoir le médicament, le textile, l’énergie et les transports », déclare Sophie Binet, Secrétaire générale de la CGT.

« Le problème de l’industrie n’est pas le coût du travail mais le coût du capital. Nous sommes sur des stratégies de court terme et une politique industrielle indexée sur l’intérêt des grands groupes. »

Le rôle des représentants du personnel

« Des élus bien armés et bien accompagnés, ce n’est pas un coût » (Sophie Binet)

  • « En matière de santé et de sécurité au travail, il faudrait que les élus aient plus facilement recours à l’expertise.
  • En effet, ce n’est pas un coût mais un investissement pour toute la société d’avoir des élus bien armés et bien accompagnés », selon Sophie Binet.

Par ailleurs, elle appelle à conditionner les aides publiques aux entreprises (« un levier majeur ») et souhaite que l’on permette aux représentants du personnel d’avoir un avis conforme sur ces aides publiques. 

  • « Pour avoir une véritable politique industrielle, il faut cesser de penser qu’être le paradis des investisseurs résume le fait d’avoir une politique industrielle. Il est nécessaire de conditionner les aides publiques (…) ;
  • Par ailleurs, il faut reprendre la main sur les grands groupes, à savoir mettre des salariés dans les conseils d’administration comme en Allemagne et avoir des droits suspensifs sur les stratégies industrielles », évoque la secrétaire générale de la CGT.

« Les questions sociales, la variable d’ajustement » (Marylise Léon)

  • Marylise Léon, Secrétaire générale de la CFDT - © D.R.
    Marylise Léon, Secrétaire générale de la CFDT - © D.R.

    « Le dialogue social ne peut exister sans dialogue économique et environnemental (…) ;

  • Le rôle des élus dans les entreprises et les organisations syndicales consiste en ce sens à ce que ce dialogue se noue.
    • Or les questions sociales sont souvent traitées en dernier, c’est la variable d’ajustement.
    • Les questions liées à la transition écologiques sont encore trop peu abordées dans les entreprises », déclare Marylise Léon.
  • « C’est pour cela que nous nous sommes engagés dans l’accord interprofessionnel “transition écologique et dialogue social”. Comme les employeurs ont signé cet ANI, cela signifie qu’ils sont prêts à s’engager.
  • C’est un levier d’action pour nous et pour les mettre face à leurs responsabilités. »

Compétences et formation

 Un « enjeu fondamental » (Pierre Ferracci)

  • « Pour bon nombre d’entre elles, les compétences sont parties et ne se reconstituent pas si rapidement.
  • Dans le domaine de la formation, il y a encore du travail à faire. En effet, les jeunes qui sont formés aux métiers industriels n’y vont pas.
  • Par ailleurs, les aides apportées à l’industrie se sont concentrées sur les bas salaires. Cela a peut-être aidé l’emploi à se développer mais cela a joué contre l’industrie en tuant les métiers à forte valeur ajoutée », évoque Pierre Ferracci.
  • « Concernant la gestion des compétences et de la formation, le CPF est une très bonne chose mais on ne pas individualiser le rapport à la formation, sans en faire un enjeu collectif.
  • Il faut aussi faire de la formation un enjeu de négociation. »

« Beaucoup de métiers manuels dévalorisés » (Augustin de Romanet)

  • Augustin de Romanet, PDG d’ADP - © D.R.
    Augustin de Romanet, PDG d’ADP - © D.R.

     « Les aides excessives aux bas salaires ont effectivement créé une trappe.

  • Le fait qu’on se donne pour objectif que 80 % des personnes accèdent au bac a dévalorisé beaucoup de métiers manuels, alors que l’industrie en a besoin.
  • Ce sont notamment les points bloquants au développement de l’industrie. D’où l’importance de la formation pour le développement des carrières », déclare Augustin de Romanet, P-DG de Groupe ADP. 

« Une “assurance transition emploi” avancée par la CFDT » (Marylise Léon)

  • « A la CFDT, nous plaidons pour une “assurance transition emploi”. En effet, en matière de reconversion professionnelle, nous ne sommes pas assez équipés. Nous aurons ainsi ces discussions prévues à l’agenda social.
  • L’accès à la formation professionnelle est un autre enjeu d’importance sur lequel il faut travailler, ainsi que l’anticipation et l’adaptation des compétences et des métiers actuels », déclare Marylise Léon.

Pour consulter l’intégralité de la table ronde « La France, place forte de l’industrie : comment retrouver notre puissance industrielle perdue face aux défis écologiques ? » à l’occasion de la célébration des 40 ans de Groupe Alpha (via YouTube).