Dialogue social

Alexandre Crétiaux (CFDT) : « Le syndicalisme m’a donné accès à des formations valorisantes »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Délégué syndical central CFDT chez Framatome, Alexandre Crétiaux revient sur son parcours syndical débuté en 2010.  Il livre ses réflexions sur le sens de l’engagement ainsi que sur l’importance de la formation pour mener un dialogue social de qualité.

Alexandre Crétiaux, CFDT - © D.R.
Alexandre Crétiaux, CFDT - © D.R.

Quel est votre parcours ?

Je travaille chez Framatome, une grande entreprise du nucléaire. 

  • En 2010, j’ai eu mon premier mandat de représentant syndical au CHSCT.
  • Début 2016, je suis devenu secrétaire de CE, et délégué syndical la même année.
  • Depuis 2017, je suis délégué syndical central CFDT pour tous les 14 établissements de Framatome.

Depuis 2018, je suis membre du conseil de surveillance de Framatome et membre du comité de groupe France EDF.

Je coordonne l’ensemble des établissements comprenant 12 000 salariés, dont la CFDT est la première organisation syndicale avec 34 % de représentativité.

Comment est née votre fibre syndicale ?

Le déclic est venu lors du rachat du groupe d’un établissement basé au Creusot (Saône-et-Loire).

Dans cet établissement, les salariés n’avaient ni les mêmes conditions de travail ni les mêmes salaires que les nôtres.

J’ai estimé que leurs revendications étaient justes et c’est ainsi que je me suis rapproché des élus de la CFDT. 

Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à la CFDT ?

Avoir un syndicat par branche professionnelle comme en Allemagne me semble être une bonne approche.

La CFDT est dans le dialogue et la co-construction et ne se situe pas dans la radicalité. D’après ce que j’ai vu lorsque je travaillais en Allemagne, c’est cette forme de dialogue social qui me convient.

D’ailleurs, il me semble qu’avoir un syndicat par branche professionnelle  - comme en Allemagne et dans les pays du Nord avec des adhérents qui bénéficient des accords signés - est une bonne approche.

À la CFDT, nous savons défendre nos revendications quand il le faut et sans avoir à faire grève systématiquement, le dialogue social se passe bien avec la direction.

Quel est le moment marquant de votre parcours ?

Ma montée en compétence m’a encouragé à reprendre les études.

À l’origine, je n’étais titulaire que d’un bac pro et j’étais soudeur.

Grâce à mes différents mandats et au syndicalisme, j’ai gagné en compétences et j’ai pu rencontrer de nombreux salariés, des ministres et plus largement des personnes issues du milieu du nucléaire.

Ma montée en compétence m’a encouragé à reprendre les études, ce qui est un moment marquant de mon parcours.

J’ai ainsi obtenu un diplôme universitaire (DU). Ces études m’ont beaucoup plu et j’ai récemment poursuivi avec un Master 2 en stratégie d’entreprise et en management.

La CFDT et mon entreprise m’a permis d’avoir accès à ces formations valorisantes.

Quels sont vos sujets actuels de revendication ?

Certains salariés âgés de seulement 50 ans sont déjà très abimés par leurs conditions de travail.

Le premier sujet est actuel : c’est la réforme des retraites.

Par ailleurs, nous sommes actuellement dans l’application de la nouvelle convention collective de la métallurgie. Cela suppose un travail important sur les cotations et les classifications de poste.

Nous allons démarrer un nouvel accord de méthode afin d’harmoniser les conditions de travail de tous les salariés du groupe. Ainsi, l’objectif serait que tous les salariés de Framatome aient la même application de l’ancienneté, par exemple.

Le sujet du pouvoir d’achat est prioritaire. Nous avons signé un accord NAO à 6,5 %, ce qui est élevé mais nécessaire au vu de l’inflation et des besoins en RH.

Nous avons besoin de garder et de trouver de nouvelles compétences dans un secteur de l’industrie qui recrute beaucoup : 2 000 personnes en 2022 et autant en 2023.

Enfin, nous demandons de signer un accord relatif à la pénibilité, qui prend tout son sens avec la réforme des retraites. En effet, nous souhaitons que les salariés les plus exposés soient protégés : certains âgés de seulement 50 ans sont déjà très abimés par leurs conditions de travail et il semble improbable de les faire travailler jusqu’à 64 ans.

De quelle manière menez-vous des négociations ?

Il faut communiquer aux salariés sur le contenu de nos négociations.

Tout d’abord, je pense que tout se joue lors de la préparation des négociations.

Par exemple, nous avons négocié un accord sur la mutuelle et la prévoyance au sein de notre entreprise. Or c’est un sujet très complexe. La direction nous a convoqué à la réunion de négociation mais parmi les élus, personne ne maîtrisait vraiment le sujet. Nous avons alors demandé à la direction un report de ces négociations pour nous laisser le temps de nous former, ce que nous avons fait.

Ensuite, il faut communiquer aux salariés sur le contenu de nos négociations et identifier les points sur lesquels nous ne ferons pas de compromis. 

Enfin, nous recueillons l’avis des salariés par le biais d’un sondage.

Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?

Le syndicalisme consiste à s’investir pour les autres et non pas dans son seul intérêt.

Je recommande de garder une partie de son travail d’origine pour anticiper la fin de son mandat. Il est très valorisant de s’engager dans le syndicalisme : cela apporte une montée en compétence et la constitution d’un réseau.  

En revanche, il faut éviter de s’engager pour régler des problèmes personnels. Au contraire, le syndicalisme consiste à s’investir pour les autres et non pas dans son seul intérêt, au risque de poser des problèmes de motivation. 

Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

Les mandats au CSE recouvrent de nombreux domaines de compétence.

Nous avons pu changer une image vieillissante du syndicalisme, ce qui a permis une participation de 83 % des salariés aux élections professionnelles. Nous bénéficions donc d’une bonne image.

Les mandats au CSE recouvrent de nombreux domaines de compétence. Avant, il était possible de se spécialiser dans certains domaines, comme la santé ou les ASC. Il a fallu se professionnaliser, ce qui peut faire peur aux candidats potentiels. Le bilan des ordonnances Macron me semble donc assez négatif.

Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte du mouvement des contrôleurs SNCF et de l’émergence de collectifs non syndiqués ?

Je considère que ces collectifs n’ont pas la légitimité nécessaire, puisqu’ils ne sont pas représentatifs.

Aux dernières élections professionnelles, un collectif non syndiqué sans étiquette accusait les organisations syndicales de ne pas être suffisamment engagées dans le domaine de l’environnement. Je leur ai donc indiqué toutes les actions de la CFDT en matière de transition écologique. Je considère que ces collectifs n’ont pas la légitimité nécessaire, puisqu’ils ne sont pas représentatifs et se cachent derrière des partis politiques.

Par ailleurs, comme ils n’ont pas accès aux formations dispensées par les organisations syndicales, ils peuvent difficilement s’appuyer sur une base et des compétences solides. C’est pourquoi, en l’absence de structure, nous avons constaté que ces collectifs ne fonctionnaient pas bien. Il faut cependant tenter de comprendre pourquoi des salariés souhaitent s’émanciper des cadres du syndicalisme.

Concepts clés et définitions : #NAO ou négociation annuelle obligatoire , #ASC ou Activités Sociales et Culturelles , #Syndicat, #CSSCT (ex CHSCT) ou santé et sécurité au travail