Les jeunes et le dialogue social : les 4 enseignements du baromètre « Réalités du dialogue social »
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Pour 72 % des jeunes, les syndicats sont nécessaires dans toutes les entreprises, selon le 4e baromètre « Les jeunes et le dialogue social » publié le 13 novembre 2023 par l’association Réalités du dialogue social.
1/ Les syndicats sont nécessaires dans les entreprises
Les syndicats ont une vocation « universelle » pour plus de sept jeunes sur 10. En effet, 72 % estiment qu’ils sont nécessaires dans toutes les entreprises. Cependant ils sont plus partagés au sujet de leur représentativité en pratique :
- 64 % considèrent qu’ils représentent tous les travailleurs (agents de la fonction publique, salariés d’entreprise, freelances, professions libérales, intérimaires…),
- mais 63 % ont le sentiment qu’ils concernent davantage les ouvriers et les employés que les cadres et les employeurs.
Un peu plus d’un jeune sur trois (36 %) a conscience que les salariés français sont moins syndiqués que les salariés des autres pays européens, alors que 32 % estiment au contraire qu’ils sont plus syndiqués qu’ailleurs et 31 % que le taux de syndicalisation en France est similaire à ceux des pays voisins.
Même si la défense des droits des salariés est identifiée comme une des principales missions des syndicats, six jeunes Français sur 10 (61 %) estiment qu’ils ont également un rôle à jouer dans la stratégie de l’entreprise. Au contraire, 29 % considèrent que les syndicats n’ont pas à s’occuper de la stratégie de l’entreprise.
Le syndicalisme est spontanément associé aux actions revendicatives :
- 10 % associent directement les syndicats aux grèves et aux manifestations ;
- 9 % à la défense des droits des salariés ;
- 4 % au droit ;
- 4 % à la lutte ;
- 3 % à des considérations d’ordre politique.
Des concepts associés à la solidarité et au collectif sont également évoqués :
- aide (6 %) ;
- protection (4 %) ;
- groupe d’individus (3 %).
Les éléments liés au dialogue social ne sont cités que par une minorité : 3 % mentionnent les délégués ou représentants du personnel, 2 % les notions de dialogue et d’échange.
2/ L’engagement syndical perçu comme efficace mais difficile d’accès pour les jeunes
Sept jeunes sur 10 (70 %) affirment leur volonté de s’engager pour une cause, tandis que 30 % ne se sentent pas prêts pour ça. L’intention de s’engager est davantage rapportée par les jeunes issus des CSP les plus élevées (79 %) que par ceux issus des CSP populaires (66 %).
L’engagement syndical est perçu comme un moyen d’action aussi efficace que l’engagement dans un mouvement collectif autonome : 75 % des jeunes estiment qu’on a la possibilité de faire bouger les choses quand on est élu comme représentant d’une organisation syndicale ou patronale et 72 % quand on participe à un mouvement collectif.
Pourtant, parmi ceux qui souhaitent s’engager :
- 40 % estiment que c’est au sein d’une association que leur engagement aurait le plus de poids ;
- Dans une moindre mesure, 18 % se sentiraient surtout utiles dans un collectif ;
- 16 % dans une organisation syndicale de salariés ;
- 15 % dans une ONG ;
- et seuls 11 % considèrent qu’une organisation patronale ou une fédération professionnelle serait le meilleur endroit pour que leur engagement personnel ait un maximum d’impact.
Les jeunes Français identifient certains freins qui peuvent les retenir de rejoindre une organisation syndicale :
- ils rapportent un manque de connaissances, notamment sur les droits des salariés (29 %) ;
- mais aussi concernant les personnes à solliciter pour pouvoir se syndiquer (18 %) et les différentes organisations syndicales existantes (16 %) ;
- Conscients que cet engagement nécessite un investissement personnel, plus d’un jeune sur quatre (28 %) estime manquer de temps.
Pour que l’engagement syndical soit mieux connu, Chloé Bourguignon, secrétaire générale de l’Unsa Grand Est estime qu’il est efficace que les jeunes parlent aux jeunes : « ainsi pendant sept années, l’Unsa avait parmi ses membres des jeunes en service civique qui venaient échanger sur la démocratie au travail dans les lycées et les CFA. Ce service civique a dû être arrêté par manque de moyens mais c’était efficace pour faire connaître l’engagement syndical. »
Pour Sophie Mariot-Michaut, membre du bureau national de l’association ANDRH, « il faut que les syndicats se féminisent un peu plus en entreprise et que les actions des organisations syndicales s’ouvrent aux différents publics. Quand des jeunes sont stagiaire en entreprise, je les emmène le plus possible aux réunions de CSE avec moi. Cela leur permet de voir le fonctionnement d’une instance. »
3/ Un dialogue social jugé « compliqué »
Les jeunes Français se montrent divisés sur l’état du dialogue social en France :
- 46 % estiment qu’il fonctionne « bien » (dont 13 % « très bien ») ;
- 53 % qu’il fonctionne « mal » (dont 15 % « très mal »).
Les jeunes issus des CSP les plus élevées l’évaluent plus positivement (59 %) que ceux issus des CSP populaires (39 %).
Dans les entreprises, le climat est perçu comme plus apaisé. Les jeunes actuellement en emploi se montrent plus satisfaits de la qualité du dialogue social au sein de leur entreprise :
- Deux sur trois (67 %) ont le sentiment que ces échanges se passent bien dans leur entreprise ;
- Près d’un sur trois (31 %) considère néanmoins que cela se déroule mal.
Leur perception des relations entre employeurs et salariés est par ailleurs plutôt critique :
- 69 % attribuent au moins une caractéristique négative à la qualité de ces échanges, qui sont avant tout décrits comme « compliqués » (42 %) ;
- « distants » (35 %) ;
- « conflictuels » (27 %) ;
- et dans une moindre mesure « opaques » (18 %).
Cette insatisfaction globale à propos du dialogue social peut avoir des conséquences importantes sur l’attractivité des entreprises :
- la quasi-totalité des jeunes indiquent qu’ils tiendraient compte de la qualité du dialogue social s’ils devaient choisir demain une nouvelle entreprise.
- Ce serait même un élément déterminant pour 43 % d’entre eux et important pour 51 %.
- Seuls 5 % n’en feraient qu’un élément secondaire de leur décision.
Selon Catherine Opalinski, coordinatrice chez Jeunes FGTB, un syndicat belge à destination des jeunes :
- « Quand il y a une mobilisation chez nous, Jeunes FGTB bénéficie d’une reconnaissance forte, notamment médiatique. Nous travaillons donc étroitement avec d’autres organisations portées par les jeunes.
- Nous avons créé des associations militantes partout en Belgique mais aussi des écoles syndicales. Ainsi nous sensibilisons et nous informons les jeunes en proposant des animations, des formations sur de nombreux sujets qui touchent la jeunesse.
- Nous mettons en place et prenons également régulièrement part à des actions de terrain (manifestations, prises de position politiques, lutte contre l’extrême-droite, etc.) et à des activités culturelles (festivals, pièces de théâtre, etc.).
- Le fait de mettre en avant la jeunesse qui a le pouvoir décisionnel en main pour rendre l’engagement syndical beaucoup plus attirant. »
4/ Les relations sociales ont un impact sur les conditions de travail (QVT devenue QVCT)
Les relations sociales ont un impact sur de nombreux aspects de la vie de l’entreprise.
Aux yeux des jeunes, la construction de bonnes relations sociales est avant tout un gage de meilleures conditions de travail (62 %), d’un climat social apaisé (57 %) et d’une communication fluide entre la direction et les salariés (55 %). Mais leurs effets ne se limitent pas à la création d’une atmosphère de travail sereine.
De bonnes relations sociales :
- améliorent aussi la performance de l’entreprise (46 %),
- sécurisent l’emploi (41 %),
- jouent favorablement sur la marque employeur (38 %),
- permettent d’assurer l’égalité des chances (37 %),
- permettent de mener une politique de rémunération cohérente (36 %).
Au sein de l’entreprise, les dirigeants sont identifiés comme les principaux responsables de la gestion des relations sociales par un jeune sur trois (33 %), devant les DRH (20 %), les managers (18 %) ou les salariés eux-mêmes (18 %). Les syndicats apparaissent en retrait (10 %).
Pour garantir de bonnes relations sociales dans une entreprise, voici les leviers les plus plébiscités :
- les réunions entre la direction et les équipes (57 %) ;
- les temps d’échanges informels (52 %) comme le team building ou les discussions à la machine à café ;
- les échanges avec les représentants des syndicats dans l’entreprise (45 %) ;
- les communications grâce aux outils internes comme une newsletter ou un réseau intranet (43 %) ;
- les référendums pour consulter les salariés (41 %).
Les jeunes Français anticipent aussi que certaines transformations sociétales pourraient affecter durablement les relations sociales dans les entreprises :
- l’enchaînement de crises sanitaires, économiques, environnementales et géopolitiques est perçu comme la principale menace (33 %) ;
- suivie de changements propres au monde du travail - la quête de sens chez les salariés (31 %) ;
- les formes de travail alternatives au salariat (29 %) ;
- le développement du télétravail (27 %).
Pour accéder au 4e baromètre « Les jeunes et le dialogue social » de Réalités du dialogue social
Concepts clés et définitions : #Syndicat, #QVCT (ex QVT) ou Qualité de Vie et des Conditions de Travail