Dialogue social

Luc Mathieu (CFDT) : « Je connais peu d’engagement aussi émancipateur que le syndicalisme »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Secrétaire national CFDT en charge des politiques économiques, de l’épargne salariale, des politiques de rémunération, pouvoir d’achat, consommation, du numérique et de la politique vers les cadres, Luc Mathieu aborde son parcours syndical et le moteur de son engagement.

Luc Mathieu, secrétaire national CFDT en charge des politiques économiques - © CYRIL ENTZMANN
Luc Mathieu, secrétaire national CFDT en charge des politiques économiques - © CYRIL ENTZMANN

Quel est votre parcours syndical ?

  • Je suis entré dans la vie active en 1985 et ma carrière syndicale a commencé peu de temps après. A l’époque, les élections professionnelles avaient lieu tous les 2 ans.
  • En 1988, je suis devenu délégué du personnel dans une banque régionale à Lyon, puis j’ai occupé d’autres mandats au CE, comme délégué syndical au début des années 90. Dans les banques régionales, il est possible de se frotter rapidement à l’exercice de la négociation. A la Banque Populaire, j’ai ainsi pu participer à des négociations de groupe à la fin des années 90, notamment concernant le sujet de la réduction du temps de travail à 35 heures.
  • En 2008, je suis devenu permanent syndical à la fédération des banques de la CFDT. En 2011, cette fédération est devenue celle des banques mais aussi des assurances.
  • De 2010 à 2021, j’étais le secrétaire général de la fédération CFDT Banques et Assurances. 

Comment est née votre fibre syndicale ?

À cette époque, j’avais le sentiment que l’engagement syndical faisait partie du contrat de travail. Je n’ai pas été sollicité pour adhérer et je n’avais pas pour ambition de devenir militant. Cela s’est donc fait d’une manière naturelle. 

Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à la CFDT ?

Les valeurs portées par la CFDT me correspondaient.

A la fin des années 70, j’avais déjà un parcours militant. Je faisais de la radio. Dans ce cadre, je croisais régulièrement des syndicalistes CFDT.

Les valeurs portées par la CFDT me correspondaient : on ne parlait pas encore de « réformisme » mais de syndicat de mobilisation et de négociation.

Par ailleurs, la CFDT était l’organisation syndicale représentative majoritaire à la Banque Populaire. 

Quel est le moment marquant de votre parcours ?

Réussir dans la négociation, comme sur le dossier des 35 heures, est marquant. C’était un grand moment de remise à plat des manières de travailler dans les entreprises.

Certains employeurs considèrent que l’organisation du temps relève de leurs prérogatives exclusives. Il a fallu les convaincre qu’ils n’avaient rien à perdre dans cette réduction du temps du travail.

Cela a constitué un challenge marquant. Et, en effet, cette réforme n’a eu aucune conséquence sur la rentabilité. 

De quelle manière menez-vous des négociations ?

La négociation ne consiste pas à camper sur ses positions mais à tisser quelque chose avec l’employeur. Elle se prépare bien en amont en :

  • Faisant d’abord un état des lieux ;
  • Fixant des objectifs clairs. 

Quels sont vos sujets actuels de revendication ?

Le numérique devrait pleinement devenir un objet du dialogue social dans les entreprises.

Tout d’abord, c’est la rémunération et le pouvoir d’achat. Ces sujets sont actuellement prioritaires pour les salariés dans ce contexte d’inflation. Les augmentations successives du Smic montrent que le système de classification des branches ne suit plus. Il faut donc tout remettre à plat.

C’est pour cette raison que, dans l’accord interprofessionnel de partage de la valeur, les branches professionnelles doivent ouvrir des négociations avant la fin de l’année et modifier leur système de classification. 

Le Gouvernement est en train de rédiger un projet de loi de transposition de l’accord interprofessionnel sur le partage de la valeur. Cela prend du temps. 

Par ailleurs, je suis en charge d’autres enjeux forts :

  • Le numérique, qui devrait pleinement devenir un objet du dialogue social dans les entreprises ;
  • Les TPE et les PME qui ont également fait partie de l’accord sur le partage de la valeur.
    • En effet, les dispositifs de participation et d’intéressement bénéficient davantage aux salariés des grandes entreprises que dans celles de moins de 50 salariés.
    • C’est pourquoi nous sommes en train de négocier un accord multi-sectoriel dans les professions libérales, essentiellement des TPE.
    • Notre négociation porte également sur les structures territoriales, qui s’appellent les commissions régionales paritaires des professions libérales. 

Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?

Je connais peu d’engagement aussi émancipateur que le syndicalisme, qui permet notamment de :

  • Rencontrer des gens que vous ne rencontreriez pas autrement ;
  • Développer des compétences, y compris pour les personnes qui n’ont pas fait d’études supérieures.

Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

Notre raison d’être est de demeurer au plus près des salariés, de maintenir le lien de proximité.

En tant que syndicaliste, il ne faut jamais perdre de vue que notre raison d’être est de demeurer au plus près des salariés, de maintenir le lien de proximité, quel que soit le niveau de responsabilité dans les entreprises, les branches, les fédérations.

Ce point est très important pour la pertinence de l’action menée. Je pense que, dans son évolution, la CFDT en a bien pris conscience.

C’est d’ailleurs pour cette raison que Laurent Berger rend visite à une section syndicale différente chaque semaine : cela permet de garder le lien et de bien comprendre la réalité de ce que vivent les salariés. 

Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte de l’émergence de collectifs non-syndiqués ?

Là encore, il s’agit de bien comprendre et d’être ancré dans la réalité du terrain. Par exemple, les « gilets jaunes » étaient nombreux à être issus de TPE/PME, dans lesquels le syndicalisme est peu développé.

Il faut trouver un moyen pour améliorer la représentativité de ces salariés, considérer la diversité des cas par le rapport de proximité et non réfléchir en termes de moyenne hors-sol.

C’est d’ailleurs la même problématique qui s’applique à la politique.

Concepts clés et définitions : #Syndicat, #Smic ou Salaire minimum interprofessionnel de croissance