Maxime Legrand (CFE-CGC) : « Réenchanter la fonction managériale par l’engagement syndical »
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Secrétaire national CFE-CGC en charge du travail, de l’organisation et de la santé, Maxime Legrand développe une approche globale du dialogue social basé sur un rapport de proximité.
À travers son parcours syndical, il livre ses réflexions sur l’engagement auprès des salariés, la santé au travail ainsi que sur la fonction managériale.
Quel est votre parcours ?
J’ai adhéré à la CFE-CGC en 2003 et c’est 2004 que j’ai été élu délégué du personnel.
- Jusqu’en 2011, j’ai eu différents mandats en tant que délégué du personnel mais aussi au CHSCT chez BNP Paribas.
- En 2011, je suis devenu permanent au Syndicat national de la banque (SNB/CFE-CGC). J’ai ainsi arrêté mes fonctions de directeur d’agence.
- La même année, je suis devenu trésorier au CCE de BNP Paribas qui représente plus de 40 000 salariés en France et un budget de 70 millions euros. Nous avons mis en place la certification des comptes.
- De 2013 à 2017, nous avons développé le taux de syndicalisation de notre branche. En effet, nous avons intégré de nombreux jeunes et de permanents syndicaux. En plus de mes responsabilités de trésorier, j’ai ainsi formé de nombreux jeunes permanents syndicaux.
- En parallèle, je suis devenu représentant européen au Comité européen de BNP Paribas ainsi qu’à la Fédération Européenne des Cadres de banques et des Établissements de Crédit (FECEC). Depuis 2019, je suis le président de cette organisation.
- En 2018, je suis devenu secrétaire général de la Confédération européenne des cadres en charge du dialogue social européen. C’est à ce moment que j’ai quitté mes responsabilités syndicales au sein du SNB-CFE/CGC chez BNP Paribas.
- En 2019, j’ai été élu au congrès de Deauville en tant que délégué national Europe/international de la CFE-CGC.
Depuis 2023, je suis secrétaire national en charge du travail, de l’organisation et de la santé.
Comment est née votre fibre syndicale ?
L’élément déclencheur, c’est mon caractère personnel dans le sens où je suis curieux de nature. Ma famille étant issue de la culture des entrepreneurs avec une forte valeur travail, rien ne me destinait à l’engagement syndical.
Cependant, j’ai souhaité m’engager lorsque j’ai fait la rencontre d’un manager au comportement réellement malsain et qui pouvait faire subir un stress particulièrement fort aux femmes ou aux jeunes diplômés.
J’ai d’abord songé à démissionner mais la rencontre d’un délégué du personnel CFE-CGC m’a fait changer d’’avis. Ce conseiller patrimonial m’a expliqué ce qu’était le syndicalisme et la CFE-CGC, ce qui a suscité mon intérêt.
Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à la CFE-CGC ?
Ce que j’ai aimé, c’est le côté non dogmatique et sans lien politique de la CFE-CGC, une organisation pour laquelle la priorité est donnée à l’humain.
Aussi, la personne qui m’a introduit à l’organisation représentait l’exemple parfait de la réussite professionnelle en tant que référent dans son métier, dans la banque mais également dans ses fonctions syndicales. C’est cela qui m’a attiré à la CFE-CGC.
Au cours de vos différents mandats, quels ont été les moments forts de la négociation collective ?
C’est notamment lorsque j’ai défendu un collègue qui était sous menace d’un licenciement. J’avais longuement préparé sa défense et nous avions réussi à lui faire éviter ce licenciement.
Par ailleurs, à une époque, j’étais en charge de 2 ou 3 secteurs et j’ai suivi au cours de plusieurs années probablement plus de 1000 entretiens individuels en l’espace de quelques années.
Je me souviens de certains managers qui pouvaient se sentir seuls, pris en étau entre leur supérieur hiérarchique et la réalité du terrain vécu par les autres salariés.
En tant que syndicaliste, j’ai souvent eu le sentiment d’arriver au bon moment pour écouter ceux qui étaient en difficulté.
À votre avis, quels sont les principes d’une bonne négociation ?
Ce qui me semble le plus important ce sont les qualités suivantes :
- L’écoute ;
- La curiosité, car avant de soutenir un collègue, il faut s’intéresser avant toute chose à la réalité de son travail ;
- Ne pas fournir des solutions toutes faites et chercher à connaître les besoins des salariés.
Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?
C’est un engagement très prenant pour lequel il faut être disponible à la fois psychologiquement et physiquement.
Je dirais également que l’engagement syndical est une formidable aventure qui permet d’apprendre beaucoup sur le fonctionnement d’une entreprise. Par ailleurs, les rencontres ont toujours été une grande source d’enrichissement. L’engagement syndical vous fait connaître des personnes très différentes de vous et en cela, vous apprend la tolérance et l’ouverture d’esprit.
C’est une chance de pouvoir se lever le matin en se disant qu’on est utile au collectif.
Quels sont vos sujets actuels de revendication ?
Parmi mes sujets prioritaires :
- La transition climatique. Nous savons que les managers et en particulier les jeunes veulent être des acteurs du changement. Pour le moment, ce sujet est encore trop le domaine de secteurs très particuliers au sein des entreprises.
- Les manageurs doivent être sensibilisés, formés et pouvoir se sentir de vrais acteurs car ce sont eux qui prennent les décisions en matière d’affectation de ressources financières ou humaines. Ce sont donc des acteurs majeurs du changement. Cela suppose que les employeurs dialoguent de façon plus ouverte avec les organisations syndicales et que les salariés soient impliqués tout au long de cette transformation.
- C’est un virage incontournable qui pourrait bien s’avérer être un avantage compétitif majeur pour les entreprises qui relèveront ce défi de la bonne manière.
- La digitalisation et l’intelligence artificielle. Il faut que nous parvenions à un accord avec les employeurs pour rassurer les personnes inquiètes pour l’avenir de leur métier et sur la question de la surveillance au travail.
- La santé au travail. Ayant eu des mandats au CHSCT pendant des années, j’ai observé que la santé était la grande perdante depuis les ordonnances Macron. En effet, nous intervenons trop tard. Avant nous pouvions identifier les premiers signes de mal-être au travail. Ce n’est pas pour rien qu’il y a une recrudescence de l’absentéisme et des arrêts de travail. La suppression des délégués du personnel a également constitué une perte pour le rapport de proximité.
- La relation managériale que je cherche à réenchanter par le biais de mon action syndicale. Je dis souvent aux jeunes que les responsabilités managériales permettent de façonner le monde dans lequel nous vivons, en véhiculant les bonnes pratiques.
Comment analysez-vous l’évolution des mandats d’élus du personnel ?
Avant de devenir permanent, je constatais que certains représentants syndicaux présents dans l’entreprise depuis des années véhiculaient une très mauvaise image du syndicalisme en n’aidant absolument pas les collègues. Je me suis ainsi toujours engagé pour changer cette image syndicale.
- Nous ne sommes pas aidés par le gouvernement qui a tendance à utiliser des moyens de communication directs par les réseaux sociaux, ce qui casse en quelque sorte les corps intermédiaires.
- Nous ne sommes pas plus aidés par les employeurs qui n’ont pas intérêt à négocier, car ils reçoivent tout ce qu’ils veulent du gouvernement.
Je pense qu’il faut nous aussi faire un travail pour changer notre image et communiquer auprès des jeunes. Dans un monde où les tâches sont de plus en plus morcelées, où la fragmentation du travail est à l’œuvre, je pense que nous aurons toujours un grand besoin de collectif.
Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte de l’émergence de collectifs non syndiqués ?
Concernant les collectifs non syndiqués, qui en sont les représentants ? Comment ces représentants ont-ils été élus ? Sont-ils élus de façon démocratique ? Quel est le statut de ces organisations ?
Si des sujets ne sont pas traités à leur juste valeur par les organisations syndicales, ces collectifs ont le mérite d’être là pour nous le rappeler. Cependant, je reste vigilant : on ne doit pas donner plus de place à ces collectifs qu’aux organisations syndicales.
Concepts clés et définitions : #CSSCT (ex CHSCT) ou santé et sécurité au travail, #Syndicat