Syndicalisme en France et en Suède : les 3 différences marquantes selon l’Institut Montaigne
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Bien que la population française soit presque sept fois plus importante, la Suède compte plus de syndiqués (3,7 millions) que la France (2,15 millions). L’analyse comparative des syndicalismes français et suédois, publiée par l’Institut Montaigne en septembre 2023, livre des enseignements.
La densité syndicale
L’analyse de l’Institut Montaigne révèle des différences dans le syndicalisme entre la France et la Suède.
La Suède est le deuxième pays disposant du plus haut taux de syndicalisation au monde, après l’Islande.
- 7 travailleurs sur 10 y sont syndiqués (soit 69 % en 2022), avec de grandes différences entre les cadres (73 %) et les ouvriers (59 %).
- La Suède compte plus de syndiqués (3,7 millions) que la France (2,15 millions), bien que la population française soit presque 7 fois plus importante.
La densité syndicale est donc bien plus faible en France qu’en Suède : 9 % contre 69 %.
Le taux de couverture par des conventions collectives n’en demeure pas moins supérieur en France, avec un taux de 98 % contre 87 % côté suédois. En effet, contrairement à la France, l’État suédois n’étend pas les conventions collectives à des secteurs entiers.
La définition de salaires minimums
En Suède, la définition de salaires minimums repose exclusivement sur la conclusion d’accords collectifs. Ce système est à l’origine d’un mécanisme d’autorégulation par les partenaires sociaux eux-mêmes, ce qui explique leur opposition à l’introduction du salaire minimum européen. En effet, l’autonomie en matière de négociation collective est une caractéristique clé des marchés du travail des pays nordiques.
L’Association des ingénieurs diplômés (Sveriges Ingenjörer), ou de IF Metall (de LO), Unionen (de TCO) est l’un des syndicats appartenant à la constellation des « Syndicats du secteur manufacturier » (Facken inom industrin) qui fixe la norme industrielle (un pourcentage d’augmentation de salaire spécifique à appliquer à l’ensemble du marché du travail) en négociation avec les organisations patronales SN concernées (SN, la Confédération des entreprises suédoises, ayant succédé à SAF).
À titre d’exemple, la norme industrielle pendant la période contractuelle de novembre 2020 à mars 2023 équivalait à une augmentation de salaire de 5,4 %, soit une moyenne de 2,2 % par période de 12 mois.
Côté français, le salaire minimum légal joue un rôle normatif similaire : il fixe plus ou moins le rythme des accords salariaux au niveau de la branche.
Cet exemple souligne clairement la différence entre la réglementation de l’État français et l’autoréglementation suédoise.
La régulation étatique
En France, selon l’analyse de l’Institut Montaigne, la forte dépendance des syndicats à l’égard de l’État pour le financement de leurs activités est un exemple fort de la régulation étatique.
Par contraste, le taux élevé de syndicalisation en Suède permet l’autofinancement des organisations syndicales, grâce à une combinaison de cotisations et de revenus d’investissement.
À l’instar des systèmes finlandais et danois, ce haut niveau de syndicalisation en Suède est soutenu par les allocations chômage subventionnées par l’État, selon le système de Gand.
- Ces caisses syndicales de chômage (arbetslöshetskassor) - pour une partie financées par les cotisations des adhérents et pour l’autre par l’État - sont complétées par des caisses syndicales dites « d’assurance-revenu » (inkomstförsäkringar), ce qui permet d’assurer un filet de sécurité supplémentaire en cas de perte d’emploi.
- En 2020, les membres d’Unionen (TCO) ont versé 150 millions d’euros de cotisations. Les dépenses totales ont dépassé les recettes de plus de 52 millions d’euros. Le déficit des activités syndicales et des assurances a été couvert par un excédent du fonds de conflit qui a été investi dans des actifs financiers et immobiliers. Sa valeur atteignait 1,8 milliard d’euros.
Grâce à ces fonds de conflit bien consolidés, les syndicats suédois disposent d’un levier puissant qui leur permet d’organiser des grèves durables et de grande ampleur, tandis que les briseurs de grève sont rares en raison de la forte densité syndicale. Un préavis de grève peut suffire. Cela explique en partie la très faible fréquence des grèves, et la plupart d’entre elles sont d’ailleurs de courte durée, généralement de 5 à 10 jours seulement.
Accédez à l’intégralité de « l’analyse comparative des syndicalismes français et suédois » par l’Institut Montaigne
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