Charlotte Vanbesien (CGT) : « Le syndicalisme est une respiration dans le monde du travail »
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Secrétaire générale de la FERC-CGT, Charlotte Vanbesien fonde son engagement syndical sur le travail collectif de négociation. Elle revient sur son parcours syndical débuté en 2007 et livre ses réflexions sur la défense des salariés précaires.
Quel est votre parcours ?
- Je suis syndiquée à la CGT depuis 2007, lorsque j’étais étudiante et salariée à temps plein chez MacDonald’s.
- Je suis devenue enseignante en 2013.
- De 2014 à 2023, j’étais secrétaire académique de la CGT Education à Créteil (Val-de-Marne). Cette structure regroupe nos syndicats départementaux.
Je suis secrétaire générale de la FERC-CGT depuis le 26 mai 2023.
Comment est née votre fibre syndicale ?
Lors du mouvement étudiant contre le projet de loi instituant en France le contrat première embauche (CPE) en 2006, j’étais étudiante salariée.
J’ai ainsi découvert l’activité militante et étudiante et cela m’a permis de faire des rencontres de syndicalistes CGT. Mon engagement a ainsi découlé de ce mouvement enthousiasmant.
Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à la CGT ?
Ce sont d’abord les rencontres de militants à l’université qui m’ont fait découvrir la CGT et les valeurs fortes que cette organisation syndicale porte. Par ailleurs, le fait que la CGT soit un syndicat de masse, dont l’ambition est de s’adresser au plus grand nombre de personnes, cela me correspondait.
Quel est le moment marquant de votre parcours ?
- Ce qui m’a marqué, c’est le traitement des personnes précaires à l’Education nationale. Dans mon établissement situé en Seine-Saint-Denis, la moitié de mes collègues ne sont pas titulaires.
- Quand j’ai commencé mon travail de professeur, j’ai constaté que ces personnes précaires ne bénéficiaient d’aucune protection ni d’aucune garantie dans leur poste.
- Au bout de plusieurs années de travail revendicatif de fond, en particulier sur les aspects juridiques, de mobilisations des collègues concernés, nous avons obtenu la généralisation des CDD d’un an et le maintien du salaire à 100 % en cas de non affectation. Une victoire syndicale concrète qui sécurisait la vie professionnelle de beaucoup de collègues !
- L’autre moment fort de mon parcours est celui de l’accompagnement de différentes victimes de violences sexistes et sexuelles au rectorat de Créteil, victimes de collègues ou d’élèves.
- L’administration s’est révélée incapable de déclencher des procédures véritablement protectrices après avoir entendu ces collègues qui n’étaient donc pas reconnues comme victimes. Concrètement, la solution que l’administration leur proposait se limitait à changer d’établissement, laissant les agresseurs en place, sans se donner les moyens de gérer ces situations.
- Il a fallu une négociation unitaire d’ampleur au niveau national pour obtenir un protocole clair, des outils et une réglementation pour traiter ces situations dans un ministère qui rassemble 71 % de femmes. Aujourd’hui, l’enjeu c’est de faire appliquer ce protocole.
Quels sont vos sujets actuels de revendication ?
Ces personnes sont contraintes d’avoir plusieurs employeurs.
Le premier sujet actuel porte sur les salaires. La particularité de notre fédération est que nous rassemblons les secteurs privés et publics. En effet, les salaires les plus bas concernent le secteur privé de l’enseignement du sport et de l’animation. Nous ne parvenons pas à obtenir les augmentations suffisantes et sur ce point, les négociations sont particulièrement dures.
Nous avons également un sujet sur les temps partiels avec très peu d’heures dans ces branches. Ces personnes sont contraintes d’avoir plusieurs employeurs. Cela fait des années que nous alertons sur cette situation catastrophique, y compris pour le service public.
De quelle manière menez-vous des négociations ?
Associer le personnel à ces revendications est le plus important dans la négociation.
Nous essayons de nous structurer et nous développer dans le sport et le secteur de l’animation. En effet, il est impossible de négocier et de faire aboutir nos revendications sans rassembler les salariés.
Prenons l’exemple des piscines publiques qui délèguent la gestion du service public à des entreprises privées. Nous avons trouvé un accord avec un des employeurs majeur du secteur, le groupe RECREA, pour passer plus de 90 % des piscines sur la bonne convention collective que nous demandions d’appliquer, car mieux-disante pour les salariés que celle appliquée à tort, sans passer par le tribunal.
Associer le personnel à ces revendications est à mon sens le plus important dans la négociation.
Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?
Nous sommes dans des métiers où l’engagement auprès des autres est fort. Un collectif permet d’échanger sur ce que nous subissons et de se soutenir, ce qui est très important pour analyser, s’organiser et ainsi redonner du sens à notre métier.
Le syndicalisme est une respiration essentielle dans le monde du travail.
Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?
Il faut profiter des élections de CSE pour donner envie aux salariés de nous rejoindre.
Mon engagement a commencé de manière particulièrement enthousiaste, lors d’un mouvement qui a abouti par notre victoire, c’est-à-dire par le retrait du projet de loi instituant le CPE.
C’est même la dernière victoire en date du camp syndical en France. Même si les autres combats n’ont pas abouti, celui contre la réforme des retraites nous a donné une intersyndicale qui fonctionne encore, ce qui constitue un espoir. En effet, nous avons un afflux d’adhésions et les organisations syndicales sont davantage prises au sérieux.
Il faut profiter des élections de CSE qui se déroulent actuellement pour donner envie aux salariés de nous rejoindre.
Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte de l’émergence de collectifs non syndiqués ?
Les collectifs qui existent hors des syndicats sont très importants. Certains de mes collègues en font partie et trouvent dans ces organisations plus de souplesse et de réactivité.
Cependant, on observe que le résultat n’est pas forcément meilleur que celui des organisations syndicales classiques. Ces structures un peu lourdes ont le mérite de garantir une forme de pérennité de l’action mais également une protection et une reconnaissance de l’institution.
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