Dominique Rault (CFDT) : « Le syndicalisme touche à tous les sujets de la vie des salariés »
Par Agnès Redon | Le | Syndicats
Délégué syndical CFDT au Technocentre de Renault, Dominique Rault aborde son parcours et le moteur de son engagement. De son point de vue, la préservation du lien de proximité avec les salariés et la QVCT (ex QVT) fondent un dialogue social de qualité.
Quel est votre parcours ?
Je travaillais à l’usine en 1998 de Renault Sandouville et c’est là que j’ai eu mon premier mandat au CE, puis au CHSCT. À cette époque, j’étais adhérent chez Force ouvrière, un syndicat qui correspondait à mes valeurs. D’ailleurs, mes collègues étaient également adhérents chez FO. Je voulais m’engager pour construire une section à destination des jeunes.
J’ai cessé mon engagement syndical en 2004 car mes fonctions professionnelles, en tant que manager sur un atelier de fabrication, me prenaient trop de temps. De plus, je suis passé au 4/5e pour me consacrer à ma fille.
- En 2008, je suis passé à l’ingénierie au Technocentre.
- En 2014, j’ai été élu au CHSCT. Je suis devenu secrétaire adjoint pour l’antenne CFDT d’Aubevoye.
- En 2018, le secrétaire de section est parti à la retraite et je suis devenu secrétaire de section du Technocentre à temps plein, jusqu’à présent.
Comment est née votre fibre syndicale ?
Ce sont les mauvais managers qui m’ont donné envie de m’engager. Bien que minoritaires chez Renault, les managers toxiques causent beaucoup de dégâts.
J’ai estimé qu’il était important de devenir en ce sens un lanceur d’alerte. En effet, il n’y a pas un seul événement dans la vie d’un salarié qui ne soit pas en relation avec le syndicalisme : les promotions, la QVT, les NAO, etc.
Le syndicalisme touche à tous les sujets et nous sommes là pour les défendre. J’ai découvert cela avec la CFDT du Technocentre et les membres de cette section qui portent les valeurs CFDT.
Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à la CFDT ?
C’est en 2013 que je suis passé de FO à la CFDT. Je n’avais pas apprécié le traitement des syndicats présents au Technocentre de Renault dans le dossier d’une salariée victime de harcèlement sexuel. C’est ainsi que je me suis rapproché de la CFDT.
Par ailleurs, mon frère était coordinateur et délégué syndical central CFDT chez Exxon, ce qui n’a pas été sans influence.
Quel est le moment marquant de votre parcours ?
Aider les salariés, c’est tout le sens du syndicalisme pour moi.
Les élections professionnelles sont les moments particulièrement forts dans mon parcours. Chaque cycle électoral nous fait progresser en termes d’influence. Preuve que nous sommes là ou les salariés nous attendent.
Par ailleurs, c’est aussi lorsque nous parvenons à obtenir des droits pour les salariés. Le dernier cas en date était un salarié en difficulté qui souhaitait quitter l’entreprise à cause de ses problèmes de santé. A force de négociations, nous avons réussi à débloquer la situation juste à temps.
Quand on peut aider des salariés qui viennent nous solliciter, c’est très marquant. C’est tout le sens du syndicalisme pour moi.
Quels sont vos sujets actuels de revendication ?
Le sujet prioritaire du moment est la QVT. Il s’agit de redonner du sens au travail pour les salariés et de les rassurer au sujet de la restructuration en cours chez Renault, qui suscite de nombreuses inquiétudes.
Pour leur intégration au sein de l’entité Ampère [ndlr : nouvelle filiale électrique & logicielle de Renault], il faut faire en sorte que les accords restent les mêmes pour tous les salariés, notamment pour :
- Les contrats de prévoyance ;
- Les droits au CSE ;
- Les congés ;
- Le calcul de l’ancienneté.
Tous les acquis chez Renault doivent perdurer malgré le changement d’entité.
De quelle manière menez-vous des négociations ?
Porter les valeurs d’équité nous permet de progresser dans la représentativité.
Ce sont les principes et les valeurs de la CFDT qui me portent lors des négociations, en particulier le principe de l’équité.
Il faut toujours penser à une chose lors d’une négociation : ce que cela va apporter aux salariés.
Par exemple, sur l’intéressement calculé en fonction du salaire, à la CFDT, nous pensons que le montant devrait être le même pour tous. En effet, à l’usine, les salaires sont plus bas qu’au Technocentre alors que les opérateurs ne déméritent pas.
Mais, la CFE-CGC, syndicat majoritaire chez Renault (notamment dans la catégorie des cadres), s’oppose à cette idée. Porter les valeurs d’équité nous permet de progresser dans la représentativité des salariés.
Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?
Il est essentiel de savoir écouter les salariés. Par ailleurs, il faut avoir l’esprit collectif : quand on ne connait pas la réponse à une question, il faut toujours s’adresser au collectif, qui est une force.
Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?
La vision des salariés du syndicalisme est stéréotypée.
Nous nous sommes professionnalisés et les formations dispensées aux élus sont de plus en plus denses et nombreuses, ce qui est un aspect positif de l’évolution du syndicalisme.
En revanche, je suis souvent déçu par la vision des salariés du syndicalisme, qui est stéréotypée. Ils ne savent pas forcément à quoi nous servons et il est aussi de notre responsabilité de mieux communiquer pour nous faire connaître.
Laurent Berger, ancien secrétaire général de la CFDT, a fait beaucoup de bien à l’image que nous véhiculons dans les médias. Avec Marylise Léon, qui a succédé à Laurent Berger, nous sommes confiants pour la suite. Nous avons un gros travail localement sur ce sujet. Toute l’équipe est mobilisée.
Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte de l’émergence de collectifs non syndiqués ?
Je suis assez confiant sur l’avenir de notre organisation syndicale.
L’émergence de collectifs non syndiqués signifie que notre travail de communication n’est pas encore suffisant. Nous constatons sur le Technocentre que ces collectifs manquent de formations et de professionnalisme, ce qui peut être préjudiciables aux salariés. Généralement, les salariés reviennent vers nous dans un second temps pour arranger les choses.
Concernant l’avenir du syndicalisme, à ce jour, la CFDT est la seule organisation à compter 50 % de femmes sur les listes de nos élections professionnelles.
Je suis donc assez confiant sur l’avenir de notre organisation syndicale, même dans le contexte de restructuration de Renault, où tout le fonctionnement du dialogue social est à recréer.
Pour ce faire, tous les secrétaires de section travaillent de concert pour préserver la proximité avec les salariés et les défendre.