Dialogue social

Karim Nedjar (CFDT) : « La formation a changé ma vision du syndicalisme »

Par Agnès Redon | Le | Syndicats

Représentant de la CFDT Métallurgie, Karim Nedjar aborde son parcours syndical à la CFDT qui a débuté en 2015. Il livre ses réflexions sur le sens de l’engagement, ainsi que sur l’importance de la formation dans la négociation collective.

Karim Nedjar, CFDT - © D.R.
Karim Nedjar, CFDT - © D.R.

Quel est votre parcours ?

  • En 2009, j’ai été élu délégué du personnel sans étiquette du CE d’Enercon, un groupe allemand spécialiste de l’éolien. Face aux difficultés de communication avec la direction, nous nous sommes rapprochés avec d’autres salariés. Je me suis intéressé au fonctionnement du syndicat.
  • En 2015, je suis entré au bureau CFDT en tant que secrétaire.
  • En 2019, je suis devenu secrétaire de l’Union métallurgie. Il s’agit d’une structure de coordination entre les syndicats de la métallurgie en Picardie. La même année, je suis entré au bureau fédéral de la Fédération générale des mines et de la métallurgie (FGMM-CFDT).
  • En 2022, à la suite de la fusion de ces syndicats avec ceux de l’Oise et de la Somme, je suis devenu secrétaire des métaux de la Picardie.

Comment est née votre fibre syndicale ?

Je souhaitais m’investir et connaître la vie de l’entreprise au CE.

Avant la CFDT, je travaillais dans une entreprise de services informatiques de 2001 à 2005. Il s’agissait d’une plateforme de centre d’appels. La seule organisation sur place étant SUD, et par sympathie pour ses militants sur place, j’ai adhéré en 2001. En effet, les conditions de travail sur des plateformes d’appels ne sont pas les meilleures.

Côté Enercon, après avoir rejoint la société en 2007, j’ai souhaitais m’investir davantage à partir de 2009 et connaître la vie de l’entreprise au CE. Nous étions une cinquantaine de salariés et l’entreprise était pilotée depuis l’Allemagne, une direction qui ne comprenait pas le droit français. Peu à peu, je me suis fortement intéressé au fonctionnement syndical.

Pourquoi avez-vous choisi d’adhérer à la CFDT ?

Parmi les organisations syndicales, la CFDT était la plus accueillante et la plus disponible. En effet, nous avions pu obtenir des renseignements immédiats à nos questions.

Quel est le moment marquant de votre parcours ?

Mes premières formations ont été particulièrement marquantes, dans le sens où elles ont changé ma vision du syndicalisme. J’avais pu rencontrer et échanger avec d’autres élus issus d’entreprises différentes de la mienne.

Notre réalité concernant les conditions de travail et la rémunération était très différente, ce qui m’a convaincu de l’intérêt du syndicalisme.

Quels sont vos sujets actuels de revendication ?

J’ai quitté l’entreprise en 2022 et je suis actuellement salarié de la CFDT.

A ce titre, nous portons 2 sujets majeurs :

  • Les élections de CSE : nous entrons dans un cycle électoral important et concentré sur une seule période depuis les ordonnances Macron ;
  • Le second sujet concerne l’application de la convention collective de la métallurgie et notamment les nouvelles classifications.
    Habituellement, nous avons une quinzaine de sessions de formation par an pour environ 150 salariés formés, tous sujets confondus, alors que depuis janvier 2023, nous avons eu une quinzaine de sessions de formation, uniquement sur le sujet de la classification. Cela représente le double de formations dispensées. En tant que formateur sur la métallurgie, j’ai été beaucoup sollicité directement.

De quelle manière menez-vous des négociations ?

Si on revendique une augmentation des salaires de 5 %, il faut être capable d’expliquer ce montant.

C’est un principe fondamental : nous travaillons nos dossiers en profondeur avant d’entamer les négociations.

Par exemple, si on revendique une augmentation des salaires de 5 %, il faut être capable d’expliquer ce montant. Nous fondons nos revendications sur des sondages menés dans l’entreprise, des articles de journaux, des analyses de chercheurs et d’économistes. Cela permet de calibrer les revendications en fonction des attentes des salariés.

L’avantage des méthodes de négociation à la CFDT, à considérer aussi comme un inconvénient, c’est que nous sommes très techniques dans nos sujets.

Que diriez-vous à une personne souhaitant s’engager dans le syndicalisme ?

Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide. En effet, l’organisation syndicale est une structure de soutien.

Il ne s’agit pas d’agir à la place des personnes engagées mais d’accompagner, notamment par la formation. En effet, une des valeurs de la CFDT est l’émancipation.

Chaque entreprise, chaque secteur d’activité a ses propres sujets qu’il convient de confier aux élus sur le terrain.

Comment percevez-vous l’évolution du syndicalisme depuis que vous militez ?

Ces élus étant plus chargés, ils sont plus tendus qu’auparavant.

J’ai constaté un durcissement entre les élus et les directions, notamment en raison de :

  • La mise en place des CSE et des ordonnances Macron, qui ont concentré les missions des représentants du personnel. Les moyens des élus ont baissé et, en parallèle, les compétences demandées se sont accrues. Face à la charge de travail, les élus sont également plus tendus qu’auparavant ;
  • La course perpétuelle des entreprises à la performance. Les élus sont ainsi considérés comme une entrave à cette performance, plutôt que comme un bénéfice. Ainsi, le dialogue social en entreprise est plus difficile ;
  • Le lien social distendu avec la pandémie Covid-19.

Dans ce contexte, les élus sont moins enclins à écouter la direction, qui n’a pas toujours la volonté de dialogue.

Quelle est votre perception de l’avenir du syndicalisme dans le contexte de l’émergence de collectifs non syndiqués ?

Ces collectifs peuvent avoir l’impression que le dialogue social est à bout de souffle.

Malgré ces difficultés, le syndicalisme existera toujours, même sous d’autres formes. En effet, il résulte du besoin d’exister collectivement, de se défendre et de se rassembler face à l’adversité.

Ces collectifs non syndiqués font partie de ce besoin. S’ils émergent, c’est parce que ces collectifs peuvent avoir l’impression que le dialogue social est à bout de souffle entre les grandes centrales syndicales et le Gouvernement. Or les organisations syndicales sont des institutions, elles ont une structure juridique qui permet de limiter les débordements.

Ce n’est pas le cas avec ces groupes autonomes.

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